Comme toujours, Garath déambulait dans les allées de son magasin, situé dans une ruelle d’un quartier assez aisé d’Hautecrique, tout en attendant vainement un client. Légué par son père, il s’agissait d’une librairie de taille plutôt respectable, aux rayons pleins à craquer de livres poussiéreux et vieillots. Au fond de la pièce, entre deux étagères remplies de parchemins divers et variés, une porte massive séparait les livres les plus communs, exposés à la vue de tous, des livres les plus rares ou les plus dangereux qui étaient rangés soigneusement dans l’arrière boutique.
La plupart des livres lui avaient été légués par son père, qui les tenait avant lui de son grand père, Garath premier du nom, dit le Bel. Tout en caressant les reliures de cuir, il se remémora ce que son père lui avait appris. Ce grand érudit avait, disait-on dans la famille, parcouru l’ensemble des terres en y prenant diverses mesures, relevant des détails insignifiants et en profitant pour prendre des croquis des diverses villes du continent… une légende évidemment, personne ne pouvait se déplacer seul ainsi, alors que ces vils elfes noirs, ces sauriens répugnants et ces orcs barbares écumaient la région…
Garath ne pouvait s’empêcher de douter de la santé mentale de son géniteur lorsqu’il parlait ainsi du sien… Le summum des délires du vieil homme remontait à ses vingt ans, date à laquelle toute trace de Garath le Bel disparaissait. Selon lui, il avait un soir, alors que les recruteurs de l’armée rassemblaient des gens, décrété que le coin devenait bien trop agité pour lui et qu’il rentrait, maintenant que son fils était en âge de se débrouiller et, sous les yeux ébahis de celui-ci, il ouvrit son carnet de voyage, laissant apparaître une carte qui ne correspondait en rien aux régions connues et disparut après une brève incantation, ne laissant qu’une page double page blanche sur le journal. L’explication plus prosaïque de sa mère était qu’il avait été recruté comme tant d’autres et qu’il était mort au combat, laissant une veuve qui le suivit bientôt dans la tombe et un fils qui se tourna vers la magie, tentant de comprendre ce qu’il avait imaginé…
Plongé dans ses souvenirs et regardant le temps brumeux qui s’installait derrière les vitres, il décida de fermer boutique plus tôt et de monter dans son étude, reprendre la lecture d’un grimoire ancien qu’il avait déniché dans un livre pour enfant, caché entre les pages impaires et paires de celui-ci, un travail de titan pour le recoller page après page.
Installé à sa table de travail, près d’un léger feu de cheminée, il y passa plusieurs heures lorsqu’un craquement sourd se fit entendre. Les poutres du plafond avaient décidément bien besoin d’être rénovées s’il ne voulait pas que la boutique ne s’effondre sur elle-même.
A peine avait-il pensé cela qu’un lourd coffre métallique tomba du plafond, emportant le dit plafond avec lui, écrasant au passage son fauteuil préféré et son pauvre chat qui se reposait paisiblement.
" Mais qu’est-ce que c’est encore que ce truc ?! "
Mar 8 Sep - 13:01